« L’enfer, c’est les autres »… Aujourd’hui, le travail est défini, codifié, programmé et comptabilisé…. Pourtant, la dimension vivante des relations interpersonnelles entre collègues de travail nous dépasse encore parfois. De nombreuses demandes d’intervention auprès d’équipes de travail concernent des conflits ou de fortes tensions relationnelles. Les salariés ne s’entendent plus entre eux. Les professionnels ne se parlent plus, n’échangent plus et demandent un arbitrage à l’encadrement. Nous avons ainsi rencontré une équipe de 10 professionnels travaillant pour le service technique d’une collectivité territoriale.
PROBLEMATIQUE
Entretenir les espaces verts ou la voirie, faire des petites réparations mécaniques, électriques dans les différents locaux municipaux, nettoyer les rues et les trottoirs… autant de tâches variées pour le bien vivre de tous les habitants, qu’il pleuve ou qu’il vente. Le départ de certains professionnels, l’arrivée d’autres a modifié ces dernières années la configuration de l’équipe qui a perdu son « équilibre ». Des clans se forment entre les « nouveaux » et les « anciens », ils ne sont plus d’accord sur rien et notamment sur l’autorité du nouveau responsable… Autant de sujets de conflit du travail qui, non régulés, ont laissé la porte ouverte aux tensions personnelles : cela devient le « problème de l’un » et « la faute à l’autre ». Nous sommes alertés par les services de santé au travail et la direction qui ne savent plus comment réagir aux arrêts-maladie qui se multiplient et aux plaintes des uns et des autres.
LA REPONSE DE DIALECTICA
Comprendre ce qui pose problème et à qui pour sortir des malentendus et des non dits
La première étape de notre intervention consiste à rencontrer tous les acteurs, sur le terrain, au milieu de leur environnement de travail afin de comprendre ce qui pose problème à cette équipe, à son encadrant, au directeur. Des entretiens individuels sont réalisés comme des temps entre parenthèse où le travail se met à parler. On parle parfois de Clinique du Travail, comme au chevet de ces professionnels qui petit a petit évoquent ce qu’il y a sur le papier et surtout ce qui se passe dans la ‘’vraie vie’’ au quotidien : les binômes impossibles car les collègues ne se parlent plus, les ‘’couvertures’’ pour protéger les autres, les facultés qu’il faut avoir sur le bord des routes pour gérer l’agressivité des automobilistes pressés ou les espérances de certains qui voulaient devenir chef…
Restituer le fonctionnement de ce système vivant en déterminant les chemins du changement possible
Dans cette petite équipe, tout le monde se connait. On connait les enfants, les épouses, les travers de chacun. On a la croyance que parler des problèmes est une « affaire de bonne femme » ; que les choses passeront toutes seules avec le temps. Sauf que là, plus on laisse faire, plus le problème s’amplifie, à tel point qu’après de simples griefs contre les collègues, certains en sont arrivés à devenir insultants et menaçants. La banalisation du problème n’a fait qu’aggraver la situation. Notre travail de restitution doit être juste, précis et respectueux de la parole donnée. Faire la différence entre ce qui relève du conflit et ce qui relève d’une atteinte violente contre les personnes. Sortir de l’individualisation « magique » des problèmes. Ouvrir des perspectives de changement pour tous en respectant chaque point de vue. Le moment de restitution est pour nous un moment fragile d’équilibriste où, si il y a prise de conscience, les visages et les corps perçoivent avant les cerveaux la nécessité du changement. « Le changement, c’est maintenant », avant d’être un slogan, est ici une expérience sensorielle et émotionnelle.
RESULTAT
Construire l’avenir par des petits pas…
Nous avons pu travailler avec la direction et l’encadrement à l’établissement d’un plan d’action concernant les relations professionnelles et l’organisation du travail : séparer définitivement certaines personnes qui ne pouvaient plus travailler ensemble (ce qui a soulagé tout le monde), revoir les binômes par habilité professionnelle plutôt que par arrangement personnel, nommer des référents sur le terrain pour responsabiliser les professionnels qui connaissent parfaitement leur mission, soutenir l’encadrant « à sortir de son bureau »… Se dire les choses pour se laisser l’opportunité de vivre des expériences collectives nouvelles.